Métamorphoses - par Catherine Koenig, historienne de l'art


Des tasses, des bols fins et délicats, au décor abstrait comme aquarellé
Des boîtes qui s’empilent, se dédoublent, s’élèvent comme des immeubles lilliputiens. Des plaques de terre, fines comme des feuilles de papier
Des lignes sinueuses comme des traits de plumes à l’encre de Chine
Des tâches de couleurs transparentes comme de l’aquarelle
Des visages blêmes aux yeux hagards comme des fantômes resurgis du passé 

Karima Duchamp est céramiste et plasticienne. Chacun des deux modes d’expression lui permettent d’explorer la matière et ses métamorphoses. Matière terre et matière picturale. Dans son atelier à Mulhouse, elle invente un monde de lignes et de couleurs, de formes et de visages peints sur terre cuite émaillée à l’engobe ou peint à l’huile et technique mixte sur toile ou papier. 

Karima Duchamp est née dans le Doubs. Après des études universitaires en langues étrangères et un long séjour à Manchester et à Londres, elle a commencé à peindre à la fin des années 90. Petit à petit son expression plastique s’est affirmée, son désir d’apprendre et de rechercher la forme juste s’est déployé et lentement a germé en elle le désir inextinguible de créer. Au tournant de l’an 2000, elle a suivi la formation de la Maison de la Céramique à Mulhouse, puis elle obtint avec mention, le Diplôme National d’Expression Plastique à l’Ecole des Beaux-arts de Besançon. Ses créations en céramique lui ont valu de nombreuses expositions en France et à l’étranger, et de nombreux prix et récompenses lui ont offert une reconnaissance internationale de céramiste. 

Travaillant le kaolin, argile blanche de porcelaine, elle crée de multiples objets utiles et délicats. Ses tasses, bols, cuillères sont des réceptacles poétiques et fragiles. Connaissant parfaitement le matériau de la porcelaine, Karima Duchamp est allée explorer le champ de la création plastique. Elle s’est mise à construire des boîtes en forme de parallélépipèdes avec couvercle puis des cubes empilés, devenant des structures complexes qui ressemblent étrangement à des habitations, à des immeubles en miniature. Sur les parois, Karima Duchamp dessine des fenêtres aveugles, des silhouettes longeant les murs, des murs lézardés, des grilles fermées, images floutées, empreintes effacées... 

Karima Duchamp a un besoin vital de travailler la terre, sa matérialité particulière, sa lourdeur, sa densité, sa fermeté, qui deviennent sous ses mains et sa créativité, fragilité, délicatesse, opalescence. A force de travail, elle a réussi à maîtriser la plaque de terre pour lui donner toujours plus de finesse jusqu’à donner l’impression de feuille de papier. Sur les plaques de porcelaine, elle peint avec des engobes transparents comme de l’aquarelle, des lignes fines comme tracées à l’encre de Chine. 

Karima Duchamp dessine beaucoup, chaque jour ; dans son carnet de voyage qui ne la quitte pas, elle cherche, invente, explore ; elle lit des magazines, elle découpe et colle des images, des extraits de texte qui nourrissent ses réflexions. Elle aime par-dessus tout la ruine, les dégradations du temps, les fleurs fanées, le silence si particulier du passé composé de bribes de souvenirs épars. Elle se promène chaque jour sur la toile pour saisir le temps qui passe, les « pourquoi pas » qui surgissent et accompagnent de leur dynamisme les idées qui naissent. C’est ainsi qu’elle voyage chaque jour à l’intérieur de son atelier et sur la toile immense des connexions virtuelles.

Elle a beaucoup voyagé, elle est partie en résidence au Japon en 2013 et en 2018, à Philadelphie en 2015, en Allemagne en 2019, en Chine en 2021. Ses voyages réels et virtuels sont un riche terreau qui lui permettent de cultiver sa curiosité et sa créativité. 

Depuis de longues années, son travail de céramiste se double d’une création plastique. Lorsqu’elle peint, elle travaille les fonds de la toile en malaxant la peinture, en superposant les couches, en triturant la matière, travail comparable à celui de la céramiste qui prépare sa terre. Ce corps à corps avec la matérialité picturale lui est nécessaire. C’est par cette confrontation avec la matière qui épuise sa force et sa violence qu’elle essaye d’atteindre la légèreté. Elle peint le fond, en rajoute, gratte, repeint une nouvelle couche, superpose, étale, frotte. Elle lave beaucoup ses couleurs, maltraite ses fonds. Les couleurs sont souvent dissonantes, composées d’accords acides, d’audaces chromatiques qui rendent un son un peu grinçant.
C’est comme si, au fur et à mesure de la contemplation, se dégageait un silence habité, un mystère qui se révèle, un secret enfoui qui remonte à la lumière du crépuscule vespéral. En peignant, en se laissant porter sur la ligne du temps qui glisse imperturbablement, Karima Duchamp sent en elle remonter les souvenirs effacés, les secrets indicibles, les peurs refoulées. Peu à peu, les formes adviennent, remontent à la surface de la toile, s’affirment et se détachent. Les couleurs se densifient, et explosent en des chromatismes intenses et contrastés. C’est peu à peu, lors du travail de préparation que les choses adviennent et que les silhouettes apparaissent. Visages floutés, silhouettes dessinées, regards vides et comme perdus à l’intérieur d’eux-mêmes, mains à peine esquissées déjà vides et abandonnées. Les figures se dévoilent, surgissent des profondeurs, se dissolvent, remontent comme autant de visages venus des eaux sombres de la mémoire. Quand elle allait, enfant, se balader sur les chemins de terre, quand elle jouait avec la glaise, quand elle glissait sur les talus râpés été comme hiver sur de vieux cartons pour des glissades toujours recommencées. Remontent alors à la mémoire les odeurs d’herbe, de terre, de pluie, les odeurs de l’enfance... Karima Duchamp s’échappe du présent, elle flotte en apesanteur. 

A présent, Karima Duchamp se sent en pleine métamorphose. Elle entre dans une nouvelle période. Elle « entre » en peinture signe d’un passage, d’une traversée du miroir à la découverte d’elle-même et de sa création toujours recommencée.


Catherine Koenig, le 5 mars 2020 

metamorphosis - by Catherine Koenig, art historian


Cups, fine and delicate bowls, with abstract decor like watercolor
Boxes that stack, split, rise like Lilliputian buildings. Clay slabs, as thin as paper sheets
Sinuous lines like feather strokes with Indian ink
Transparent color stains like watercolor
Pale faces with haggard eyes like resurgent ghosts from the past

Karima Duchamp is a ceramist and a visual artist. Each of the two modes of expression allows her to explore the material and its metamorphoses. Clay material and pictorial material. In her workshop in Mulhouse, she invents a world of lines and colors, shapes and faces painted on terracotta enameled with a slip or painted in oil and mixed technique on canvas or paper.

Karima Duchamp was born in the East part of France (Doubs). After graduating in foreign languages ​​and after a long stay in Manchester and London, she started to paint at the end of the 90s. Little by little her expression became more pronounced, her desire to learn and to seek the right form unfolded and slowly germinated in her the inextinguishable desire to create. At the turn of the year 2000, she followed the training in ceramics at la Maison de la Céramique in Mulhouse. Then, she obtained with honors, her M.A from the School of Fine Arts in Besançon. Her ceramic creations have earned her numerous exhibitions in France and abroad, and numerous prizes and awards have given her international recognition as a ceramicist.

Working with kaolin, white porcelain clay, she creates multiple useful and delicate objects. Cups, bowls, spoons are poetic and fragile receptacles. Knowing perfectly the material of porcelain, Karima Duchamp went to explore the field of plastic creation. She began to build boxes in the shape of parallelepipeds with covers and then stacked cubes, becoming complex structures that strangely resemble dwellings, miniature buildings. On the walls, Karima Duchamp draws blind windows, silhouettes along the walls, cracked walls, closed grids, blurred images, erased prints ...

Karima Duchamp has a vital need to work with the clay, its particular materiality, its heaviness, its density, its firmness, which become under her hands and her creativity, fragility, delicacy, opalescence. Through hard work, she managed to master the slab of clay to give it ever more finesse until it gave the impression of a sheet of paper. On the porcelain slabs, she paints with transparent engobes like watercolor, fine lines as drawn with Indian ink.

Karima Duchamp draws a lot, every day; in her travel book that never leaves her, she searches, invents, explores; she reads magazines, she cuts and sticks images, extracts of text which nourish her reflections. Above all, she loves ruin, the deterioration of time, faded flowers, the peculiar silence of the past made up of scraps of scattered memories. She walks every day on the canvas to capture the passage of time, the "why not" that arise and accompany with their dynamism the ideas that are born. This is how she travels every day inside her workshop and on the huge web of virtual connections.

She has traveled a lot, she attended residencies in Japan in 2013 and in 2018, in Philadelphia in 2015, in Germany in 2019, in China in 2021. Her real and virtual journeys are a rich breeding ground which allows her to cultivate her curiosity and her creativity. 

For many years, her work as a ceramist has been coupled with a plastic creation. When she paints, she works the backgrounds of the canvas by kneading the paint, by superimposing the layers, by grinding the material, work comparable to that of the ceramist who prepares his clay. This hand to hand with pictorial materiality is necessary for her. It is through this confrontation with the material that exhausts its strength and violence that she tries to achieve lightness. She paints the background, adds, scrapes, repaints a new layer, superimposes, spreads, rubs. She washes her colors a lot, mistreats her backgrounds. The colors are often dissonant, composed of acid chords, chromatic audacity which make a sound a little creaky.

It is as if, as for contemplation, there emanates an inhabited silence, a mystery which is revealed, a buried secret which goes up in the light of evening dusk. By painting, by letting herself be carried by the timeline which glides imperturbably, Karima Duchamp feels in her, erased memories, inexpressible secrets, repressed fears. Little by little, the forms appear, rise to the surface of the canvas, assert themselves and stand out. The colors become denser and explode in intense and contrasting chromaticism. It is little by little, during the preparation work that things happen and that the silhouettes appear. Blurred faces, drawn silhouettes, blank looks and as if lost inside themselves, barely sketched hands already empty and abandoned. The figures reveal themselves, arise from the depths, dissolve, rise like so many faces from the dark waters of memory. When she was going, as a child, to wander on the muddy roads, when she was playing with clay, when she was sliding on the grated embankments in summer and winter on cardboards for slides that were always started again. The odors of grass, soil, rain, the smells of childhood go back to memory ... Karima Duchamp escapes from the present, she floats in weightlessness.

Now, Karima Duchamp feels in the midst of a metamorphosis. She is entering a new period. She "enters" into painting, a sign of a passage, a passing through the mirror to discover herself and her creation, always begin again.

Catherine Koenig, March 5, 2020


The Visible/ the invisible, exposition personnelle - Landes Museum, Oldenburg, août 2015

par Monika Gass, directrice du Musée de la Céramique du Westerwald, Allemagne


C’est Karima Duchamp elle-même qui m’a proposé la phrase la plus intéressante quant à ses travaux. Elle a cité Agnes Martin, une artiste américaine qui est passée de la peinture naturaliste à l’expressionnisme et qui a exposé à la Dokumenta de Kassel et à la Biennale de Venise. 

Martin dit « dans ma peinture, il ne s’agit pas de montrer ce qui se voit. 

« My painting are not about what is seen. »  

Cela s’applique aussi au titre de l’exposition de Oldenburg. 

“Was wir sehen/was wir nicht sehen” (ce que nous voyons/ ce que nous ne voyons pas)

Le travail de Karima Duchamp, son style se réalise lentement, pour elle comme pour la personne, homme et femme, qui regarde… 

Là, je voudrais dire « dieu merci » car c’est là justement ce qui est intéressant, le plaisir de rentrer dans son œuvre, la lente découverte, la mise en valeur de la matière… 

Lorsque je vis ses travaux pour la première fois, lors d’un jury de céramique de 2014, je fus immédiatement fascinée : des images, des histoires… se déroulèrent tout de suite devant moi, sorties des surfaces des pièces couvertes de riches matières, des nombreuses facettes, des dessins, des fragments d’impression sur les surfaces de céramique, des fascinantes nuances de couleurs, des fragments de contes, des mondes imaginaires, de vagues bouts d’images…

Moi – et pas seulement moi – je fus confrontée à des pièces, comme de la mosaïque, qui bout à bout s’imposèrent à moi.

Presque dit/seulement pensé 

Un fil poétique dans une langue à moitié à demi-connue.

Questions qui se posent à mon subconscient : Est-ce que je connais ça ? Est-ce une confidence ? Est-ce que je mets quelque chose de personnel dans les motifs, dans les surfaces ? Qu’est-ce que je vois vraiment ? ou mieux, qu’est-ce qui m’est révélé de Karima Duchamp ?

Lors de la préparation de cette soirée, ici, à Oldenburg, je me suis renseignée : Quelle est l’intention de l’artiste ? Comment fait-elle pour atteindre cette épaisseur et cette poésie dans son travail ? 

L’utilisation de la céramique (de la terre) par Duchamp et des différents moyens de peinture servent pleinement à montrer ce qui ne peut l’être de façon manifeste, ce que tout un chacun ne voit pas immédiatement, les mots du langage courant sont trop pauvres, ne peuvent dire, et il faut de la poésie, de l’imagination pour traduire ce que notre affect nous renvoie. 

Il importe à l’artiste de matérialiser, de fixer avec la céramique ce que nous ressentons si fortement dans des situations d’amour, de joie, de peur, de stress.

Elle fixe, n’importe où dans les nombreuses facettes de sa peinture, dans les matières qui lui sont propres, ce qui à l’époque de la normalité est souvent bien « visible » que par les enfants, les artistes doués ou les « fous ». Elle essaie de dire et de décrire dans son expression artistique ce qui n’est pas facile de montrer de façon claire et précise. 

Karima Duchamp met spirituel dans son art. Elle nous met à disposition sa propre imagination, nous laisse comprendre comment son « IMAGO » s’exprime dans la force de ses dessins. 

Ainsi, en observant les représentations et les messages qui s’expriment dans la céramique, nous sommes associés aux procédés de création très personnels. Le rayonnement des travaux de Karima Duchamp change comme une devinette -des surfaces et des formes lourdes et chargées de milliers d’informations- mais qui, d’un autre côté, sont claires, esthétiques et terriblement belles.

Ce fut pour moi facile et lumineux, engageant de suivre la poésie de son « style ».

La matière est utilisée de façon spontanée, presque « free style », non orthodoxe suivant les exigences de son imagination artistique personnelle. 

Il semble qu’elle place dans un « flow » intuitif, les bonnes couleurs, les formes, les traits, les lignes, de telle sorte qu’apparaît une image d’une fascination toute particulière qui lui est propre. S’inscrit dans la matière un moment personnel, comme « décroché » de la réalité du moment.   

Dans cet effet double, que ce soit double pensée, double ressenti, ou double lumière, se rejoignent des choses difficiles à saisir et donnent un tout, quelque chose d’émotionnel, de difficile à décrire, qui bat dans les œuvres de Karima Duchamp sans livrer d’explication, de concret.

Malgré cela, c’est visible.

Son approche est la suivante :

Elle veut mêler le visible et l’invisible, composer une coulée puis l’exposer au feu dans l’espoir que le four, le feu, les températures infernales ne le détruisent aucunement, ne l’effleurent même pas et que la chaleur ardente la solidifie -non- elle espère que dans le meilleur des cas, le four ajoute quelque chose de bon, d’extra, un procédé qui n’existe pas dans la céramique.

Ombre et lumière, dit Karima Duchamp, présent et passé, concept et matière doivent s’amalgamer.

Pendant la préparation, j’ai bien-sûr posé des questions quant à la matière, le concept, la technique et la représentation ; Karima Duchamp m’a mis à disposition un puzzle très intéressant comme les abstractions, les moments de création, les idées qui sont en rapport avec sa manière de travailler.

Suivons un instant les prémisses de son chemin créatif.

Das was wir sehen, sehen wir nicht… what we see, we don’t see.

Elle emploie, joue et travaille avec des représentations à peine visibles, esquisses jetées, des indications, des représentations humaines, jamais exactes ou concrètes, des corps humains, comme des illusions, avec des parties effacées, imprécises, floues.

Elle emploie des traces du passé, des bouts d’images, des parties, des vestiges de l’histoire, elle travaille avec des choses « usées » qui portent une patine.

Elle travaille de façon distancée, réalité toujours vue de loin, avec d’autres yeux, avec les yeux d’un(e) autre.

Karima Duchamp se considère comme à côté, non concernée et avec un regard acéré.

Elle dispose des couches, qui sont comme de la peinture, du charbon, auquel s’ajoute le geste, le superficiel, l’enfermé, l’intime. Elle travaille patiemment, avec attention comme en méditation. Elle suit son intuition.

Karima Duchamp débuta sa carrière il y a 15 ans. Elle peignait alors sur toiles. Elle disposait des couches, des strates de couleurs, de matières, toujours plus épaisses. Elle était manifestement à la recherche de nouveautés. Elle m’a raconté qu’elle est tombée presque par hasard sur la céramique lors d’un cours et c’est la plasticité de la terre qui l’intéressa tout de suite.

C’est ainsi que Karima Duchamp commença une formation en céramique et la création d’un atelier. En franchissant les échelons de l’École des Beaux-Arts de Besançon, elle obtint le diplôme de Master of Art, ce qui donna un nouveau départ avec le médium terre, porcelaine, départ auquel elle aspirait.

Comme artiste éminente après le prix obtenu l’an dernier, ici à Oldenburg, elle partit aux USA dans le réputé Clay Studio de Philadelphie avec une bourse du magazine New Ceramics.

Elle put alors vivre un temps très intense et très créatif ; des collègues sympathiques l’aidèrent et organisèrent un environnement productif. Tout le matériel lui fut mis à disposition, des réponses à toutes les questions techniques furent données par des spécialistes.

Travailler était possible à tout moment et la présence d’étudiants et d’un public inspirant et différent du silence de l’atelier.

Assumer la présentation de son propre atelier et de parler de son chez elle a été ressenti comme une chance, une émotion.

Un séjour d’un mois est court pour transformer son propre travail. Néanmoins, Karima Duchamp put se consacrer plus intensément à chaque pièce, la fignoler plus longuement, travailler plus de strates avec plus de formes et de couleurs.

Pour toutes ces raisons, elle dit que cela ne sera pas sa dernière « artist in residence ».

L’avenir, selon son souhait, doit d’une part apporter continuité et affinement, d’autre part viennent des idées, des envies de sculptures. Elle a commencé à réfléchir à l’espace, à associer un environnement. Elle a pu prendre de la distance par rapport à son travail grâce au temps passé au Clay Studio, une chance de pouvoir réfléchir en prenant son temps.

Karima Duchamp a deux filles et la famille est habituellement son centre. Par expérience personnelle, je peux affirmer combien il est difficile de concilier les deux.

Son amour de la céramique se montre aussi dans son travail, son engagement sous d’autres aspects. Elle est correspondante pour Ateliers d’Art de France et depuis peu, chargée de cours à l’Institut européen des Arts céramiques de Guebwiller.

Revenons cependant aux œuvres exposées par l’artiste Karima Duchamp et son credo artistique : « Das was wirsehen, sehen wir nicht… what we see, we don’t see »

Des impressions visuelles complexes éveillent notre imagination. Si nous ne trouvons pas immédiatement une place, une image, une photo, une céramique d’autant plus intéressante…Si le professionnel est caché, reste dissimulé, ce qui est à vrai dire, le propre d’un travail artistique, alors cela commence à intriguer, à fasciner l’observateur et à inspirer l’observatrice.

Tous nos sens, notre esprit et notre intellect voudraient être sollicités, notre sens esthétique est peut-être attiré ou éduqué, mais notre instinct du jeu, notre curiosité nous présentent comme homo sapiens et homo ludens.

Et sans que nous devions nous tourner vers les impressionnistes et sans citer des peintres célèbres qui ont été immortalisés en céramique, quand vous faites vôtre une œuvre de Karima Duchamp, alors vous avez le luxe et le plaisir de voir chaque jour un autre décor.

Vous êtes alors vous-mêmes acteur de vos émotions et représentations : elle, l’artiste a trouvé un moyen pour exposer ses cent facettes pour qu’en fin de compte ses mille représentations montrent et reflètent leur complexité, pour vous montrer ce que vous ne voyez pas. Je suis sûre que vous apprendrez à découvrir toujours davantage.


the visible / the invisible, solo exhibition - Landes Museum, Oldenburg, August 2015 - by Monika Gass, director of the Westerwald Museum of Ceramics, Germany


It was Karima Duchamp herself who offered me the most interesting sentence about her work. She quoted Agnes Martin, an American artist who moved from naturalist painting to expressionism and has exhibited at the Dokumenta in Kassel and the Venice Biennale.

Martin says "in my painting, it's not about showing what is visible.

"My painting are not about what is seen. "

This also applies to the Oldenburg exhibition.

“Was wir sehen / was wir nicht sehen” (what we see / what we don't see)

Karima Duchamp's work, her style is realized slowly, for her as for the person, man and woman, who looks…

There, I would like to say "thank god" because this is precisely what is interesting, the pleasure of entering hef work, the slow discovery, the development of the material ...

When I saw her work for the first time, during a ceramic jury in 2014, I was immediately fascinated: images, stories ... immediately unfolded before me, emerging from the surfaces of rooms covered with rich materials, many facets, drawings, fragments of printing on ceramic surfaces, fascinating nuances of colors, fragments of tales, imaginary worlds, vague bits of images…

Me - and not only me - I was confronted with pieces, like mosaic, which butted on me.

Almost said / only thought

A poetic thread in a half-half-known language.

Questions that arise to my subconscious: Do I know that? Is it a confidence? Do I put something personal in the patterns, in the surfaces? What do I really see? or better, what is revealed to me about Karima Duchamp?

While preparing for this evening here in Oldenburg, I inquired: What is the artist's intention? How does she manage to achieve this thickness and this poetry in her work?

The use of ceramic (clay) by Duchamp and the different means of painting fully serve to show what cannot be manifestly seen, what everyone does not see immediately, the words of everyday language are too poor, can not say, and it takes poetry, imagination to translate what our affect returns to us.

It is important for the artist to materialize, to fix with ceramic what we feel so strongly in situations of love, joy, fear, stress.

She fixes, anywhere in the many facets of her painting, in the materials that are specific to her, which in normal times is often clearly "visible" only by children, gifted artists or "crazy people" " She tries to say and describe in her artistic expression what is not easy to show in a clear and precise way.

Karima Duchamp puts spiritual in her art. She gives us her own imagination, lets us understand how her "IMAGO" is expressed in the force of her drawings.

Thus, by observing the representations and messages that are expressed in ceramics, we are associated with very personal creation processes. The influence of Karima Duchamp's work changes like a guess - heavy surfaces and shapes loaded with thousands of pieces of information - but which, on the other hand, are clear, aesthetic and terribly beautiful.

It was easy and bright for me, engaging to follow the poetry of her "style".

The material is used spontaneously, almost "free style", unorthodox according to the requirements of her personal artistic imagination.

It seems that she places the right colors, shapes, lines, lines in an intuitive flow, so that an image of its own particular fascination appears. It is part of the subject a personal moment, as "unhooked" from the reality of the moment.

In this double effect, whether double thought, double felt, or double light, things difficult to grasp come together and give a whole, something emotional, difficult to describe, which beats in the works of Karima Duchamp without deliver of explanation, of concrete.

Despite this, it is visible.

Her approach is as follows:

She wants to mix the visible and the invisible, compose a flow then expose it to the fire in the hope that the kiln, the fire, the hellish temperatures in no way destroy it, do not even touch it and that the fiery heat solidifies - not - she hopes that in the best of cases, the kiln adds something good, extra, a process that does not exist in ceramics.

Shadow and light, says Karima Duchamp, present and past, concept and matter must merge.

During the preparation, I of course asked questions about the material, the concept, the technique and the representation; Karima Duchamp has provided me with a very interesting puzzle such as abstractions, moments of creation, ideas that are related to her way of working.

Let us follow for a moment the premises of his creative path.

Das was wir sehen, sehen wir nicht… what we see, we don’t see.

She uses, plays and works with barely visible representations, thrown sketches, indications, human representations, never exact or concrete, human bodies, like illusions, with erased, imprecise, blurred parts.

She uses traces of the past, bits of pictures, parts, vestiges of history, she works with "used" things that wear a patina.

She works at a distance, reality always seen from afar, with other eyes, with the eyes of another.

Karima Duchamp considers herself aside, not concerned and with a sharp look.

It has layers, which are like paint, charcoal, to which is added the gesture, the superficial, the locked up, the intimate. She works patiently, attentively as in meditation. She follows her intuition.

Karima Duchamp started her career 15 years ago. She then painted on canvas. It had layers, strata of colors, of materials, always thicker. She was obviously looking for something new. She told me that she almost came across ceramics during a lesson and it was the plasticity of the clay that immediately interested her.

This is how Karima Duchamp began training in ceramics and creating a workshop. By crossing the steps of the School of Fine Arts in Besançon, she obtained her Master of Art diploma, which gave a new start with the medium of clay, porcelain, a departure to which she aspired.

As a distinguished artist after last year's award, here in Oldenburg, she moved to the renowned Clay Studio in Philadelphia in the USA with a grant from New Ceramics magazine.

She could then live a very intense and very creative time; friendly colleagues helped her and organized a productive environment. All the equipment was made available to her, and all technical questions were answered by specialists.

Work was possible at any time and the presence of students and an inspiring audience different from the silence of the workshop.

Assuming the presentation of her own workshop and talking about her home was felt as an opportunity, an emotion.

A month-long stay is short to transform your own work. Nevertheless, Karima Duchamp was able to devote herself more intensely to each piece, to fine-tune it for longer, to work more strata with more shapes and colors.

For all these reasons, she says it will not be her last "artist in residence".

The future, according to her wish, must on the one hand bring continuity and refinement, on the other hand come ideas, desires for sculptures. She started to think about space, to associate an environment. She was able to distance herself from her work thanks to the time spent at the Clay Studio, a chance to be able to reflect by taking her time.

Karima Duchamp has two daughters and the family is usually her center. From personal experience, I can say how difficult it is to reconcile the two.

Her love of ceramics is also shown in her work, her commitment in other aspects. She is a correspondent for Ateliers d'Art de France and recently a lecturer at the European Institute of Ceramic Arts in Guebwiller.

Let us return, however, to the works exhibited by the artist Karima Duchamp and her artistic credo: "Das was wirsehen, sehen wir nicht ... what we see, we don’t see"

Complex visual impressions awaken our imagination. If we do not immediately find a place, an image, a photo, a ceramic all the more interesting ... If the professional is hidden, remains concealed, which is to tell the truth, the characteristic of an artistic work, then it begins to intrigue, to fascinate the observer and to inspire the observer.

All our senses, our mind and our intellect would like to be solicited, our aesthetic sense is perhaps attracted or educated, but our instinct for play, our curiosity present us as homo sapiens and homo ludens.

And without us having to turn to the Impressionists and without quoting famous painters who have been immortalized in ceramic, when you make your own a work of Karima Duchamp, then you have the luxury and the pleasure of seeing another decor every day.

You are then yourselves actors of your emotions and representations: she, the artist has found a way to expose her hundred facets so that in the end her thousand representations show and reflect their complexity, to show you what you do not see. I am sure you will learn to discover more and more.

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